dimanche 15 mai 2011

Mort de Ben Laden: Une justice de « western »

Les États-Unis avaient-ils tout intérêt à ce que Ben Laden soit exécuté plutôt que traduit en justice? Que craignaient-ils d’un procès contre Ben Laden? Qu’il mette en lumière des faits que les États-Unis préfèrent voir rester dans l’ombre?


Je viens de regarder le Président Obama annoncer le succès d’une mission de représailles contre Osama Ben Laden, le cerveau présumé de l’attentat du 11 septembre, et j’ai été consterné de l’entendre qualifier cette opération d’acte de justice.

J’ai en effet une toute autre conception de la justice que la sienne. La mienne exige que l’auteur présumé d’un acte criminel réponde de ses actions devant un tribunal compétent après avoir été dûment mis en accusation, qu’il soit présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, et qu’il ait droit à une défense pleine et entière. Toute autre façon de procéder constitue une imposture et permet d’entretenir les doutes les plus grands sur la motivation réelle de ceux qui y recourent.

En effet, à partir du moment où les services secrets américains savaient où se cachait Ben Laden, rien ne les empêchait de se saisir de sa personne pour ensuite le traduire en justice, et le fait qu’ils aient choisi, sur l’ordre du Président des États-Unis, de le liquider purement et simplement sur le champ, laisse planer les pires soupçons.

Or dans sa très brève déclaration, le Président Obama n’a même pas tenté de prétendre que Ben Laden avait été abattu parce qu’il n’avait pas été possible de le capturer vivant. Au contraire, il assumait pleinement la responsabilité de son ordre d’assassiner Ben Laden, comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle et la plus légitime du monde.

Pourtant, dans le cas de Saddam Hussein, un ennemi des États-Unis suffisamment important pour qu’ils aient déclenché deux guerres contre lui, il avait été capturé vivant et traduit en justice. Et c’est à la suite d’un procès qu’il avait été condamné à mort, puis exécuté.

Alors la question se pose (et elle n’a pas fini d’être posée), les États-Unis avaient-ils tout intérêt à ce que Ben Laden soit exécuté plutôt que traduit en justice ? Que craignaient-ils d’un procès contre Ben Laden ? Qu’il mette en lumière des faits que les États-Unis préfèrent voir rester dans l’ombre ?

Dans un contexte international aussi chargé que celui que nous connaissons, le fait que de telles questions puissent se poser va-t-il contribuer à envenimer la situation ? Poser la question, c’est y répondre, et si les États-Unis sont prêts à courir ce risque, c’est que, tout mauvais ce développement soit-il, il constitue soit un moindre mal, soit une diversion pour détourner l’attention des Américains, et peut être du monde tout entier, d’une menace encore plus grande, soit encore un moyen de favoriser l’union des Américains derrière leur gouvernement dans un moment particulièrement difficile.

Quant à la justice, oubliez ça. Cette justice-là, elle est tout droit sortie d’un mauvais « western », et elle ne va certainement pas contribuer à améliorer l’image des États-Unis dans le monde.